Au début du XXᵉ siècle, le café était au cœur de l’économie du Venezuela, et le pays exportait plus d’un million de sacs pas an. Puis les prix se sont effondrés, l’économie s’est tournée vers le pétrole et le volume de café exporté n’a cessé de diminuer, jusqu’à atteindre quelques milliers de sacs seulement, au tournant des années 2010.
Aujourd’hui, la tendance s’inverse notamment grâce au travail de passionnés comme Origin2u. De la région de Caripe à celle d’Aragua, au nord du pays, l’exportateur redonne ses lettres de noblesse au café du Venezuela. Rencontre avec Margaux, qui a fondé Origin2u avec son père et une équipe de professionnels du café locaux, comme le producteur Carlos César Avila.
Quelle est l’histoire d’Origin2u avec le Venezuela ?
Tout a commencé avec la rencontre de Carlos César Avila, propriétaire de la Hacienda Cocollar, qui possède également des coffee-shops où il commercialise son café. C’est lui qui nous a inspirés pour lancer ce projet en 2020, alors que mon père habitait déjà au Venezuela depuis des années.
Ce qui a rendu le projet fascinant, c’est que le café vénézuélien n’était plus du tout exporté depuis une dizaine d’années lorsque nous avons créé Origin2u.
Pourquoi le café n’était plus exporté ?
Deux raisons principales expliquent cet arrêt. D’abord, le prix du café à l’export était devenu trop bas pour que cette culture soit rentable pour les producteurs. Ensuite, il était devenu extrêmement compliqué d’obtenir une licence d’exportation.
Face à ces obstacles, beaucoup de fermes étaient simplement abandonnées quand on a démarré Origin2u. Carlos César Avila résistait à cette tendance, c’est la raison pour laquelle nous avons décidé de nous associer avec lui. Exporter à nouveau du café du Venezuela s’est révélé être un véritable défi !
Qu’est-ce qui le motivait à continuer la production de café ?
Sa situation était assez unique. Contrairement à d’autres producteurs, il n’a pas été exproprié. Comme il maîtrisait déjà l’ensemble de la chaîne à l’époque, il pouvait maintenir sa production puisque son café approvisionnait ses coffee-shops.
C’est un véritable pionnier du café de spécialité au Venezuela. Sa ferme est vraiment particulière, c’est la jungle, à l’opposé des exploitations plus industrielles avec leurs caféiers bien alignés. Quand on l’a rencontré, seulement 20% de sa ferme était exploitée. Et sur 250 hectares, c’est très peu.
Est-ce que le modèle de Carlos Cesar Avila était courant au Venezuela ?
Non, son approche est vraiment unique. En général, les producteurs ont une petite marque de café torréfié qu’ils vendent dans leur région ou directement à la ferme. Mais Carlos Cesar est l’un des rares à avoir développé ses propres coffee-shops.
Sa situation est aussi particulière, car il vit à Caracas, la capitale, alors que les autres producteurs vivent le plus souvent sur leur ferme.
Comment avez-vous pu obtenir une licence d’exportation ?
Ça a été un très gros challenge. D’abord, on a créé une super équipe complémentaire : mon père Pascal Liagre et José Antonio s’occupent de la logistique, Carlos César gère la production et moi l’importation.
On s’est aussi associé avec Paramaconi Acosta, un formateur AST pour la Specialty Coffee Association à l’origine de la première école de café au Venezuela, Escuela Venezolana Del Cafe. Sans cette équipe, on n’aurait jamais pu s’asseoir avec la personne qui délivre les licences. Faire entrer le café au port d’Anvers a aussi représenté un énorme travail administratif.
De quelles régions du Venezuela viennent vos cafés ?
Au départ, notre café venait majoritairement de la région de Caripe, là où Carlos César a sa ferme. Mais on a progressivement élargi notre réseau. On travaille maintenant aussi avec les producteurs de Merida, comme la Finca La Lomita. Ce café possède une acidité moyenne, on le cultive entre 1300 et 2000m d’altitude maximum.
La région d’Aragua offre encore d’autres profils aromatiques, comme ceux de l’Hacienda La Palma. Cette année, on commence à travailler avec Leopoldo Yanez, qui mène un super projet avec sa femme et son équipe à la Casa Paya à Turmero, dans la région d’Aragua. Chaque région a vraiment sa propre typicité.
Quel est ce projet, mené par Casa Paya ?
C’est un projet social. Casa Paya est une grande ferme, divisée en plus petites fermes : La Union, La Luisa, San José, et La Palma. Chacune est gérée par une personne désignée par Leopoldo Yanez.
Pour comprendre ce système, il faut revenir quelques années en arrière quand la ferme s’est retrouvée « envahie », comme le dit Leopoldo. Mais au lieu d’expulser les “envahisseurs”, il a décidé de les loger et de les intégrer à son business model.
En échange de la gestion des parcelles de café, ils perçoivent un montant directement issu de la vente du café. Aujourd’hui, on soutient ce projet notamment à travers la formation des caféiculteurs dans les étapes de traitement du café.
Est-ce qu’on peut parler d’une renaissance du café du Venezuela ?
Il y a clairement un regain d’intérêt pour ces cafés. Au début, j’étais très emballée alors qu’en face, les torréfacteurs étaient déjà très satisfaits avec leur café de Colombie.
La situation a beaucoup évolué. La production et les process de fermentation se développent significativement. Ces techniques n’existaient pas du tout au début d’Origin2u.
Je me souviens bien de la première fois qu’on m’a parlé de café naturel ici : c’était un café qui séchait en cerises, sur la route, le café avec le plus de défauts possibles, et une fermentation pas du tout contrôlée. Aujourd’hui, on voit apparaître des naturels de qualité et des process anaérobiques, même en très petite quantité.
Quelles sont les variétés cultivées au Venezuela ?
Dans la Hacienda Cocollar, une grande partie de la ferme cultive un mélange de caturra, de catuai, de typica et de bourbon. Il y a trois ans, on y a planté du pink bourbon et du catuai jaune.
Et à Caripe, où est située la ferme, il existe une variété locale qui s’appelle l’hybrido caripe. Cette variété a été reconnue officiellement par le World Coffee Research, il y a un an et demi, ce qui a été une excellente nouvelle pour le pays et l’histoire du café au Venezuela.
C’est une variété qui existe depuis des années, une mutation de la variété Typica, mais qui n’avait jamais été reconnue comme telle. En tasse, c’est un café assez fruité avec des notes de prune vraiment surprenantes.
Où peut-on boire ces cafés en Europe ?
Nos cafés sont maintenant distribués dans toute l’Europe. On les trouve chez Andes Project au Royaume-Uni, Café Caribe 58 en Suisse, Elan Coffee aux Pays-Bas et Goat Sucka Coffee au Portugal. En Espagne, ils sont disponibles chez Andar Cafetero et Incapto. Il existe d’ailleurs un fort intérêt pour nos cafés en Espagne, où habite une importante communauté vénézuélienne.
En ce moment, on développe aussi une collaboration excitante avec Prolog à Copenhague. En Belgique, on travaille avec de nombreux torréfacteurs comme Di Santo, Tip Top Coffee, The God Shot, High Five, La Cafetière et Alma Café, la torréfaction de mon compagnon.
Pour découvrir l’offre d’Origin2u : https://origin2u.eu/