Chez Alejo Castro au Costa Rica, le café est une affaire de famille

Alejo Castro est le descendant des pionniers du café au Costa Rica. Et avec une histoire longue de 200 ans, on comprend rapidement pourquoi les cafés de la ferme Volcan Azul ne se trouvent pas n’importe où, chez n’importe qui.

En Europe, on les trouve chez des torréfacteurs prestigieux comme April au Danemark ou Terres de Café en France. C’est d’ailleurs le torréfacteur français qui surnomme Alejo le « virtuose des process ». Mais loin de tout garder pour lui, il est aussi des plus généreux pour raconter Volcan Azul et ses cafés.

Bonjour Alejo, peux-tu nous parler de la situation géographique de Volcan Azul, au Costa Rica ?

Nous avons plusieurs plantations dans le pays, mais Volcan Azul est la principale, celle d’où je te parle. Volcan Azul se trouve dans une région que l’on appelle West Valley, sur les pentes du volcan Poás. Si tu viens un jour en avion, c’est assez proche de l’aéroport international, c’est idéal.

Mais surtout grâce à notre proximité avec le volcan, on a une terre volcanique très fertile. Ici, il n’y a que deux saisons, la saison sèche et la saison des pluies. C’est un très bon micro-climat pour faire pousser du café, avec des nuits fraîches autour de dix degrés, et des journées autour de 25 degrés. C’est cette combinaison qui rend nos cafés si doux !

Volcan Azul, la ferme d’Alejo Castro au Costa Rica

Quelles sont les principales variétés cultivées à Volcan Azul ?

On cultive plus de 40 variétés. Comme souvent au Costa Rica, la principale variété est le Caturra. Mais l’idée à Volcan Azul est de cultiver un maximum de variétés dans la même ferme, pour proposer le menu le plus complet possible.

On a du Geisha, du Typica, des variétés éthiopiennes mais aussi du Kenya comme des SL28 ou du SL34, du Sarchimor et d’autres variétés encore, comme l’hybrid H1, ou Centroamericano. C’est une variété intéressante, plus résistante aux maladies et développée par le Coffee Institute du Costa Rica, en partenariat avec le World Coffee Research et le CIRAD, en France.

Cultiver autant de variétés a-t-il toujours été l’idée de Volcan Azul ?

Je fais partie des premières familles de cultivateurs de café au Costa Rica, nous sommes dans cette industrie depuis les années 1830. Le café a commencé à être produit dans les années 20. Notre famille a été l’une des premières à produire, mais aussi à exporter du café en Europe. Je pense que mon arrière-grand-père a effectué une vingtaine de traversées pour vendre ses cafés. Il n’y avait pas autant de variétés à cette époque, tout n’était pas aussi développé. La plantation était d’ailleurs beaucoup plus proche de la ville de San José.

Qu’est-ce qui a changé d’autre depuis l’époque de ton arrière-grand-père ?

Je pense qu’aujourd’hui, on est en train de revenir à ce qui se faisait dans ces premières années. Les variétés produites étaient des Typicas et des Bourbons de très haute qualité. On revient à ces variétés et les fermes du Costa Rica se remettent aussi à traiter le café directement à la ferme. Nous sommes revenus à l’époque où tout se faisait dans la même ferme, comme mon arrière-grand-père le faisait.

Mais bien sûr, les choses ont changé. On produit maintenant de plus en plus haut dans les montagnes, puisqu’il fait de plus en plus chaud. Je pense que ce qui se faisait à l’époque à San José était de la même qualité que ce que je produis aujourd’hui. San José se situe à 1100m au-dessus du niveau de la mer, mais Volcan Azul est à plus de 1500m. Aujourd’hui, il serait impossible de revenir cultiver du café à San José, parce que la ville s’est développée et que l’espace qui était autrefois disponible pour le café s’est urbanisé.

Ta famille a toujours fait du café de spécialité ? 

On a toujours voulu faire les meilleurs cafés du Costa Rica. Mais ici, le café de spécialité est seulement en train d’exploser, depuis cinq ou six ans. Historiquement, mon arrière-grand-père avait de la très bonne qualité et vendait aussi au Costa Rica.

Tout a changé au milieu du XXème siècle, avec le développement des supermarchés. On s’est mis à exporter tous les cafés de qualité et on ne gardait que les moins bons pour le Costa Rica.

Aujourd’hui au Costa Rica, les gens recherchent de la nouveauté. Les cafés naturels et les anaérobies sont à la mode dans les coffee-shops, où les gens veulent boire des choses différentes. Ce qui est sûr, c’est que nous n’avons jamais eu autant de process qu’aujourd’hui !

D’ailleurs, comment choisir un process ? Est-ce que cela dépend de la variété de café ?

Tout dépend de ce que le torréfacteur a envie d’acheter, mais il y a certaines variétés qui se prêtent mieux à certains process. Par exemple, si tu veux un traitement anaérobie vraiment sympa, il te faut un café qui contient beaucoup de sucre à la base. C’est pourquoi on a de très bons résultats avec les cafés anaérobies chez Volcan Azul, car toutes les conditions de production sont réunies pour des cafés très sucrés. 

Pour un café lavé, plutôt que de te concentrer sur la variété, je te conseillerai d’abord de le faire avec les cerises cueillies pendant le pic de récolte.

Un bon café lavé, c’est aussi un café complexe, je recommanderai nos Geishas, nos SL 28 ou encore un Caturra. Un bon café naturel peut aussi être fait avec un café très complexe, comme nos Geishas. Avec ceux-là en lavé, on va avoir de la floralité, de la fraîcheur, et des notes plus fruitées avec un traitement naturel.

Tout dépend de ce que tu veux en tasse, en réalité je ne peux pas dire qu’un café est meilleur qu’un autre pour tel ou tel process. Il faut surtout savoir ce que le torréfacteur veut proposer à ses clients.

Quel est l’avantage de traiter les cafés directement à Volcan Azul ? 

Le véritable avantage, c’est surtout de maîtriser les process. Jusqu’à récemment, le process le plus courant au Costa Rica était le traitement lavé. En traitant le café ici, on peut expérimenter et proposer d’autres profils de cafés. Quand on a pu traiter nous-mêmes nos cafés, on a fait des cafés honeys, puis des cafés naturels. Et puis on a commencé à jouer avec la fermentation, et les profils ont vraiment changé.

Il y a trois ans, on a commencé à développer des traitements anaérobies et à jouer avec les paramètres de cette méthode, à laisser fermenter nos cafés plus ou moins longtemps. Ce qui m’intéresse avec ça, c’est de proposer à mes clients des cafés de la même ferme, mais avec le profil qui leur correspond le mieux.

Est-ce que le process retenu a un impact sur le prix du café ?

Pas systématiquement. Nous avons 3 segments de café à Volcan Azul. D’abord, les nano-lots, avec des variétés aux rendements plus faibles. Ce sont des cafés notés 88+. Ensuite, tu as les cafés anaérobies, pour lesquels le traitement est plus long et demande plus d’attention, toujours en petite quantité. Et puis tu as les micro-lots. Ils sont tous vendus au même prix, ce sont des 86+ et pour eux, peu importe le process, que ce soit lavé, yellow honey, red honey ou naturel.

Ce qui a le plus d’impact sur le prix, c’est la qualité. À Volcan Azul, on travaille avec un agronome pour améliorer notre façon de manager la plantation. La qualité vient de la ferme, alors si on fait du bon boulot dans la plantation on peut avoir de la qualité. Quand on traite le café, on va préserver cette qualité mais on ne peut pas ajouter quoi que ce soit. Moi, j’envoie à mes clients la première partie du travail, de la plantation au traitement, et eux terminent avec la torréfaction.

Est-ce que tu as remarqué une “mode” sur certains process ?

Je pense qu’aujourd’hui mes clients recherchent surtout de la clarté. Peu importe le process, la tasse doit être claire, et mettre simplement en avant les flaveurs naturelles du café. 

Mais tout dépend du pays. On exporte nos cafés dans des pays qui aiment des choses différentes. Par exemple, en Scandinavie, où l’on travaille avec April, on envoie beaucoup de cafés fully washed ou peu fermentés, des yellow honeys. En Australie, ils boivent beaucoup de boissons lactées et préfèrent les cafés natures, comme en France d’ailleurs. Chaque pays a ses préférences !

On parle beaucoup de fermentation en ce moment, car elle permet plus d’intensité. Mais c’est tout nouveau dans le café, contrairement à d’autres domaines comme le vin ou la bière. On a encore beaucoup de choses à apprendre.

Je pense cependant que pour les personnes qui se mettent au café de spécialité, c’est plus facile d’identifier les flaveurs d’un café naturel ou plus fermenté. L’intensité est plus forte, et c’est aussi pourquoi ce sont souvent des cafés choisis pour les compétitions, pour que les juges identifient facilement toutes les notes.

Les compétitions, c’est important pour Volcan Azul ? 

Oui, des compétitions comme la Cup of Excellence sont vraiment importantes. Elles permettent de se mesurer d’années en années, de savoir si l’on va dans la bonne direction. On est en compétition chaque année avec les meilleures fermes du Costa Rica, et le niveau est toujours plus haut. 

C’est aussi intéressant de participer aux compétitions comme la Brewer’s Cup. C’est toujours agréable de voir nos cafés à l’étranger, c’est une bonne façon de voir si on fait du bon boulot. Par contre, on ne produit pas de cafés spécialement pour les compétitions !

Est-ce qu’il n’y a que les compétitions pour mesurer le travail du producteur ?

Non, il n’y a pas que ça. On développe des relations sur le long terme avec plusieurs torréfacteurs, et c’est bien de voir qu’ils reviennent et demandent plus de cafés chaque année. Cela veut bien dire qu’on leur envoie de la qualité. On échange ensuite sur leur dégustation, cela nous permet de mieux connaître leurs attentes, de savoir quel process est mieux pour tel café dans tel marché. C’est très important d’avoir une bonne communication avec nos partenaires, car on travaille d’abord pour avoir une bonne tasse de café.

C’est très important d’avoir confiance en la personne qui va vendre nos cafés. C’est notre nom et celui de notre famille qui se trouve sur les paquets. Nous sommes une vieille marque, on a besoin d’avoir confiance et de savoir que les gens qui achètent nos cafés sont aussi portés sur la qualité que nous.

Ils peuvent aussi avoir confiance en nous. Si on a déjà un partenariat dans une région du Monde, un torréfacteur comme Christophe chez Terres de Café sait qu’on ne vendra pas nos cafés à d’autres torréfacteurs. D’ailleurs, les partenariats que l’on développe avec nos clients autour du Monde sont la partie que je préfère de mon métier, car on développe aussi des amitiés et cela est vraiment très agréable pour notre industrie.