Thibault travaille à Anvers pour l’importateur de café vert Cuprima, la division spécialité du groupe Efico. Il a rejoint cette année les trois autres membres de l’équipe et travaille avec des torréfacteurs partout en Europe, mais aussi en Russie ou au Moyen-Orient.
Leur point fort ? Bénéficier du stockage de leur café vert au sein de Seabridge, la plateforme logistique d’Efico pensée pour une conservation optimale du café. On ne parle pas beaucoup de la conservation du café vert, et pourtant elle joue un rôle essentiel pour la qualité de nos tasses.
Pourquoi parle-t-on si peu de l’entreposage du café vert ?
C’est vrai, tout ce qui est entreposage n’est pas toujours abordé. C’est pourtant clé au sein de la chaîne du café, afin de conserver des grains de grande qualité. Quand on parle de café de spécialité, on parle de la sélection, du travail d’achat. Et puis juste après de la torréfaction, et enfin de l’extraction par les baristas.
Au milieu de tout ça, l’entreposage est un sujet moins sexy, mais il a un impact certain sur la qualité du café. Vous pouvez acheter un super café, mais s’il arrive dans un entrepôt où il fait trop chaud, où il y a trop d’humidité, ce café deviendra vite un mauvais café. Quand on achète des cafés de spécialité, qui sont plus chers et sélectionnés pour leurs propriétés organoleptiques, c’est dommage de ne pas valoriser cette étape.
Pourquoi un café doit être stocké dans de bonnes conditions ?
Le café est un produit vivant, qui évolue dans le temps. C’est un produit hygroscopique. C’est-à-dire qu’il absorbe l’humidité de l’air. Un grain assez sec aura tendance à absorber plus d’humidité, un grain au contraire plutôt humide aura tendance à la rejeter.
Pour cette raison, il est super important de contrôler l’humidité de l’air quand on entrepose du café vert. Soumis à de trop fortes variations, le grain cherche à s’équilibrer au niveau de l’humidité et va pour cela utiliser beaucoup d’énergie en puisant dans ses nutriments, dont les sucres. En tasse, le café sera donc moins bon, puisqu’il aura perdu de ses qualités organoleptiques. C’est la même chose concernant les variations de températures.
C’est tout l’avantage pour Cuprima de bénéficier d’un entrepôt comme Seabridge, notre centre logistique qui permet justement un excellent stockage du café vert.
Qu’est-ce que Seabridge ?
Seabridge a été créé pour les cafés Efico, et même s’il s’agit de cafés plus conventionnels, on peut dire qu’ils sont stockés dans une Rolls-Royce !
Un entrepôt comme Seabridge a encore plus de sens pour Cuprima. C’est un projet unique au monde, avec 20 000 mètres carrés dédiés au café vert.
Beaucoup d’importateurs ont aussi un entrepôt, mais Seabridge a été construit pour veiller au meilleur entreposage possible du café vert, dans une démarche écologique. L’électricité est générée avec les 4 600 panneaux photovoltaïques du site ou par des éoliennes en mer. C’est un bâtiment qui tourne à l’énergie verte, avec un travail pour que ce qui arrive au port d’Anvers vienne à nous en barge jusqu’à nous pour limiter notre consommation en co2.
Toute la partie administrative liée à l’importation et à l’exportation du groupe est aussi gérée à Seabridge. Des machines y permettent de retravailler le café vert, ce qui est intéressant par exemple s’il faut repasser le café au crible, ou éliminer les grains avec des défauts en mesurant la densité ou la colorimétrie.
Cependant, les cafés de spécialité qui arrivent à Seabridge n’ont pas besoin de ces traitements, puisqu’ils arrivent après plusieurs contrôles de qualité. Ce qui nous intéresse vraiment pour Cuprima est l’entreposage. On y contrôle la température et l’humidité pour que le grain conserve ses saveurs.
Ce sont les seuls éléments à maîtriser pour qu’un café conserve ses saveurs ?
Non, la qualité de l’air est aussi super importante. Tout l’air qui entre à Seabridge est stérilisé par rayons ultraviolets, c’est-à-dire qu’un système de ventilation global permet de faire entrer l’air, mais de le “nettoyer” pour éviter toute contamination des grains.
Tout un travail a aussi été réalisé sur la lumière. Il n’y a pas de fenêtres à Seabridge, la lumière est blanche, ce que l’on appelle aussi une “lumière nordique”. L’idée est d’avoir une lumière qui permette de voir la vraie couleur du café, s’il est vert ou plutôt vert-bleu.
Ne pas avoir de fenêtre évite aussi d’avoir une lumière directe sur les cafés. S’il y a trop d’exposition au soleil, cela peut aussi nuire à la qualité du café. Tout cela dans l’objectif d’améliorer la qualité de vie du grain, pour que le café ne bouge pas entre son arrivée et sa sortie à Seabridge. Aussi, cela permet de garder l’entrepôt à la même température toute l’année.
La bonne température de stockage d’un café, c’est secret ?
Il y a eu beaucoup d’analyses et de recherches à Seabridge pour arriver à la température optimale. Globalement et sans rentrer dans les détails, c’est une température tempérée, ni trop chaude, ni trop froide avec une certaine humidité qui fait que Seabridge s’inscrit totalement dans les recommandations de la SCA sur la préservation du café.
Est-ce que chaque café nécessite un stockage particulier, selon l’endroit où il a poussé ?
Non, en fait le café s’autoéquilibre. Soit il absorbe, soit il rejette l’humidité. Mais il va s’autoéquilibrer par rapport à son environnement. Tout l’intérêt de Seabridge est de travailler pour maintenir un environnement stable au niveau de l’air et de l’humidité.
Le café, même s’il provient de différentes origines, a besoin de 2 à 3 semaines pour s’équilibrer. Une fois équilibré, le grain se met en mode “sommeil”, il n’absorbe plus et ne rejette plus rien. Il garde ses attributs tout au long du stockage.
Mais en effet, un café qui vient d’Inde a un taux d’humidité différent d’un café colombien, avec une densité différente. Il n’est pas possible de créer une zone de stockage spécifique, ce qui est clé est de créer un environnement stable dans l’entrepôt.
Comment savoir si le café a mal été entreposé, une fois dans la tasse ?
Le café peut avoir vieilli plus tôt, et donner un goût de papier ou un autre défaut en tasse. Par exemple, un éthiopien, pour lequel on attend des notes très fruitées et florales, peut être très plat s’il a mal été stocké. C’est éventuellement un café mal entreposé, ce qui est dommage ! J’insiste par contre pour dire que ce n’est pas le seul paramètre à prendre en compte si un café a ce goût de papier.
Quand on est importateur de café de spécialité, chaque container de micro-lots est un investissement. C’est pourquoi on fait aussi très attention à contrôler en amont, avant l’embarquement, le taux d’humidité et l’activité de l’eau dans les grains. On a des cafés naturels, des honeys, des lavés qui viennent de super producteurs, mais comme on ne fait qu’une importation par récolte, c’est super important qu’ils arrivent dans de bonnes conditions et que le stockage soit optimal.
Ce qu’on cherche en tant qu’importateur, c’est vendre nos cafés rapidement pour avoir une rotation qui suit le rythme des récoltes. C’est important que ça tourne vite mais aussi que la qualité reste pour les cafés qui restent plusieurs mois chez nous.
Pourquoi ce travail est-il absent des paquets de café de spécialité, et donc invisible pour le consommateur ?
La traçabilité d’un café nous importe beaucoup parce que ça fait partie de notre éthique chez Cuprima, mais il est parfois dommage de ne pas montrer toute la chaîne.
Si un café est bon, c’est certes parce qu’il y a un super producteur derrière, mais aussi parce qu’il y a eu un bon lavage, un bon séchage, un bon export et un bon entreposage puis un bon transport jusque chez le torréfacteur.
Sur un paquet de café, il serait difficile d’expliquer toute la chaîne. Par contre, il est important pour nous de communiquer tout ce travail aux torréfacteurs pour qu’ils puissent l’expliquer si besoin. C’est important de connaître les process, d’avoir les infos de traçabilité comme la provenance ou de connaître le producteur, mais la logistique du café est toute aussi importante pour le torréfacteur !